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On me demande souvent pourquoi personne ne s'aventure dans les bois d'Abîmes. Pourquoi cette forêt porte t'elle ce nom terrifiant. Et pourquoi tant de légendes gravitent autour de cette jungle impénétrable.

Moi j'y suis allée dans Abîmes, oui j'y suis allée et j'en suis revenue et je peux vous en dire des choses, tellement de choses... Mais allez vous seulement me croire.

 

Ne me regardez pas comme ça, oui je suis vieille, oui ma peau commence à tirer sur le vert, oui mes yeux s'éteignent. Je suis une Fern voyez vous, une vraie, une d'un sang pur, mes parents étaient des Ferns, mes grands parents aussi, et j'en connais peu encore capables de s'en vanter ici ! Vous voulez voir mes dents ? Regardez mes crocs, ils déchiraient la chair avant mais maintenant je suis trop vieille, je vous le dis, si vieille.

 

Mais je suis allée dans Abîmes, je vous l'ai déjà dit non ? Je vais vous raconter alors.

 

J'ai voyagé dans ma jeunesse sur le fleuve Mehl, depuis Jarthël j'ai glissé sur les eaux. Oui la ville m'insupportait bien trop, les murs de pierre, les merdes sur les pavés, les odeurs animales, le bruit, la violence, les Hommes, les Solas...

Le fleuve coule jusqu'aux Chutes Ornières... Là j'ai du descendre à pied et passer des bois sombres, noirs et froids de Cocon à la jungle dense et verte d'Abîmes. Et si les deux forêts se distinguent tant, c'est que la magie du peuple des Abîmes est à l’œuvre. Elle protège les bois, mais elle s'arrête aux chutes.

Et si je peux vous garantir que le peuple des Abîmes existe c'est que je l'ai rencontré ! Oui je l'ai vu de mes yeux, comme je vous vois maintenant. Je suis une vieille Fern, je vous l'ai déjà dit non ? Et mon odeur est proche de celle du bois, de la mousse, le pétrichor me colle à la peau. Et puis je leur ressemble un peu, juste un peu, quand ils ont une forme humaine... Oui parce qu'ils ne sont pas faits de chair comme vous et moi, ils ne saignent pas de rouge, ils ne mangent pas comme nous non... Le peuple des Abîmes est la forêt elle même, ils sont sculptés dans le bois de l'île.

 

Vous ne me croyez pas ? Tant pis. Je n'ai rien pu ramener des bois, déjà mon esprit a été mis à mal dans Abîmes car au delà de ce peuple, on s'y perd... tellement facilement. Tout se ressemble, vous avancez de quelques mètres et déjà vous avez oublié d'où vous veniez. Le soleil ne perce pas la canopée de cette jungle et vous n'y voyez jamais ni lune, ni étoiles, alors pour vous orienter, vous n'avez rien d'autre que votre instinct. Et aucun instinct d'aucune race vivant en dehors de la forêt n'est infaillible dans Abîmes.

 

Je suis une Fern, je sais que suivre les rivières, les cours d'eau est le meilleur moyen de pouvoir revenir sur ses pas, aucun risque de se perdre, sauf quand les embranchements commencent à se faire trop nombreux. J'ai échoué non loin du lac Enelyan. Mais de celui ci je ne me suis pas approchée car les habitantes de ses eaux sont bien pires que le peuple des Abîmes.

 

D'ailleurs ce peuple... Je ne l'ai qu'à peine entrevu.

 

Ils sont tantôt arbre, tantôt buisson, tantôt presque d'apparence humaine, avec le corps couvert d'écorces, des branches et des feuilles en guise de chevelure, les yeux jaunes ou bleus, ou rouges, qui se transforment en fleurs lorsqu'ils se métamorphosent et redeviennent de simples végétaux sur votre chemin. Dans Abîmes quand vous posez la main sur un tronc, celui ci peut à tout moment se transformer et vous saisir le bras pour vous happer. Ils vous enferment dans leurs bras, ils vous scellent dans leur écorce, ils se nourrissent de votre force vitale, jusqu'à ce que vous ne soyez plus qu'une enveloppe vide. Alors ils vous relâchent et vous abandonnent à leurs compagnons.

 

Des ours, des loups, des panthères... qui se repaissent de votre chair.

 

D'où vient le peuple des Abîmes me demanderez vous. Quand sont ils arrivés là, et pourquoi ? Pourquoi ne trouve t'on cette race surprenante, magique, que sur le Domaine ?

Et à cette question hélas, nul n'a la réponse. Je soupçonne qu'elle soit dans les ruines d'Abîmes.

Ah ! Vous ne saviez pas !

 

Abîmes recèle en son cœur des ruines complètement dévorées par la végétation. J'en ai trouvé une au cours de mon voyage. Je pense qu'il s'agissait d'un temple, ou d'un palais, il était immense et écroulé sur lui même. Des lianes couraient sous les toits, et des troncs entravaient les entrées. Mais j'ai réussi à trouver une brèche. Et c'est là aussi que j'ai découvert et que j'ai compris...

 

Abîmes... Abîmes... L'abîme c'est le gouffre, la profondeur insondable, le noir terrifiant. Sous ces ruines, vous n'imaginez pas... La jungle n'est que la surface visible de cette forêt. Et les ruines de simples entrées.

 

Dans les Abîmes du Domaine un réseau de vestiges creusent la terre, pareils à une fourmilière, il faudrait plus d'une dizaine de vies pour tout explorer je pense. Et sûrement que sur les murs, les gravures racontent comment le peuple des Abîmes à vu le jour, où même comment Méridian a été créé, qui sont les vrais dieux, et d'autres savoirs. Comment une telle civilisation a pu exister et disparaître ou alors...

 

Existe t'elle toujours dans l'Abîme profond et le peuple de bois n'en est que le gardien farouche, tuant ceux qui osent s'en approcher.

 

Je suis une vieille Fern, l'ai je déjà dit ?

J'étais jeune quand je me suis aventurée là, mais je dois dire que maintenant, personne ne me croit plus vraiment. Et puis je n'ai jamais trouvé d'aventurier assez téméraire pour partir explorer les ruines des Abîmes. Sans doute ne prêterez vous aucun crédit à mon histoire et sans doute vais je emporter dans ma tombe ce que j'ai vu.

Mais si je suis toujours en vie, peut être que le peuple des Abîmes attend de moi que je prévienne...

Je suis lasse, partez maintenant, j'ai assez parlé, je sens leurs mains se tendre depuis les bois, je dois y retourner, je vais y mourir je pense. Donner le peu de ma force à ce peuple, et ma chair aux animaux.

 

Retourner à la terre car il en est ainsi de toute forme de vie.

©2018 Avelhia

Le Peuple des Abîmes

© 2018 Le Domaine par Avelhia

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